Gérard-Philippe Broutin a traversé beaucoup de mes expériences bonnes ou nefastes passées, il a répondu, par son action même, à toutes mes questions esthétiques, scientifiques ou plus particulièrement éthiques, il a dispersé mes craintes ou mes méfiances, à tel ou tel tournant de notre évolution, là où tant de nos camarades de groupe se sont effondrés à jamais : plusieurs années de réalisation de sa part et d’entente commune me prouvent qu’il est devenu l’un de mes plus chers et précieux camarades, l’être toujours digne d’une création et d’un travail en équipe avec de grands auteurs antérieurs et postérieurs ou des producteurs honnêtes, apte à intervenir avec efficacité et précision multiplicatrices dans un vaste territoire culturel, qui est d’abord non-figé, d’autant plus difficile, dur, qu’il est en perpetuel développement, dynamisme, progression.
Il a adhéré au groupe lettriste en 1968 et tandis qu’une masse de ses prédécesseurs ou contemporains m’apparaissent aujourd’hui comme arrachés par le vent ou par leur manque de solidité du Livre de notre tendance, lui, il est étonnamment resté, en se développant, en acquérant une force, un interêt supplémentraire.
Au début il paraissait préoccupé d’idéogrammes acquis, plus particulièrement d’hiéroglyphes, comme s‘il voulait éprouver ses forces dans l’interprétation originale d’une partie connue de l’ensemble hypergraphique, expressions qu’il n’a pas tardé à approfondir jusqu’à nous offrir des constructions pareilles à des morceaux de bois mal équarris, alignés les uns au-dessous ou à côté des autres, dans une espèce de jeu primitif et fascinant.
Mais il me semble qu’avant de revenir par un trait extrêmement fin à la période des fruits, déjà certains de ses accomplissements étaient obsédés par les cerises, les grappes de raisin et surtout les pommes, étrangement fascinantes qu’il présentait sous tous les angles.
Puis Gérard-Philippe Broutin a mué en alphabet original ce qu’on a appelé des natures mortes et qui parlent ou cachent un désir de paroles, dans leur révélation délicate, sous une ligne aigüe, qui semble parti d’Ingres pour se manifester dans la super-écriture.
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